Blade Runner 2049 Blade Runner 2049 d'Alcon Entertainment : une vision du futur par Territory Studio, avec Cinema 4D.
S'il est un film qui, ces 40 dernières années, était tellement en avance sur son temps qu'il continue d'être admiré aujourd'hui encore, c'est bien Blade Runner. Ce film cyberpunk, basé sur une nouvelle de Philip K. Dick, comportait des effets visuels à couper le souffle, mettant en scène un futur plus sombre et déprimant que tout ce qui avait pu être fait auparavant. La suite de ce chef-d'œuvre de Ridley Scott, proposée par Alcon Entertainment, a fait l'objet d'une attente démesurée, au point de mettre une énorme pression sur tous les studios d'effets spéciaux travaillant dessus.
Pour Territory Studio, tout a commencé quand le directeur artistique principal de Blade Runner 2049, Paul Inglis, est venu les voir durant la préproduction. Peter Eszenyi, le directeur créatif de Territory explique le concept initial : « Nous n'avons pas eu de brief spécifique. Nous sommes allés à Budapest pour parler à Paul Inglis et Denis Villeneuve, le réalisateur, qui nous ont expliqué ce que serait la thématique du film, et ce que contiendrait l'univers de Blade Runner (qui se dérouleraient 30 ans et quelques après l'original) en termes de progression et de contexte. Nous avons également évoqué la façon dont la technologie pourrait s'intégrer au film pour supporter le processus narratif, et l'idée que Denis s'en faisait dans un contexte plus général. »
Notre tâche a alors été de créer des graphismes animés pour un certain nombre d'écrans, allant des moniteurs dans les bureaux du LAPD, à ceux dans la librairie Wallace et dans l'appartement de Deckard. Notre équipe habituelle composée de six membres, qui a pu monter jusqu'à dix quand cela a été nécessaire, a travaillé de mai à novembre 2016, pour produire plus de 100 affichages originaux répartis sur 15 plateaux.
Cependant, au lieu de simplement s'appuyer sur le premier film, le réalisateur est parti du postulat d'un monde dans lequel un événement apocalyptique aurait annihilé toute capacité digitale et effacé tout fichier. La technologie se serait alors de nouveau développée à partir de ce point, rendant les choses d'autant plus compliquées pour l'équipe. Peter explique : « C'est notre grande expérience de la production pour des films à fort contenu narratif, et de la réalisation de visuels pour des appareils high-tech supportant l'histoire, les personnages et le jeu des acteurs, qui nous a permis de choisir une approche très expérimentale avec confiance. Denis ne voulait pas faire référence directement au film original, mais il voulait plutôt un aspect et un ressenti propres à cette « nouvelle » technologie. Nous avons donc dû réinventer la technologie telle que nous la connaissons. Il voulait qu'elle soit organique, abstraite, optique et physique. Nous ne pouvions pas alors faire autrement que de recréer complètement chaque système pour tous les aspects technologiques du projet, de la création des vidéos, aux effets optiques et aux projections, etc. »
“C'est la facilité d'utilisation, la rapidité et la stabilité de Cinema 4D qui nous ont permis d'expérimenter tout en étant capable de respecter nos impératifs de temps.”
L'exemple le plus flagrant est celui de la scène de la morgue, qui est une subtile référence à la façon dont Deckard faisait usage de la technologie dans le premier film, mais intègre une structure beaucoup plus mécanique et optique. Le but pour Territory était de créer une série d'images révélant du tissu osseux, avec un zoom suggérant un microscope électronique tout en étant plus dramatique et physique. En utilisant des références d'os pelvien du département artistique, ils ont créé une série d'images représentant du tissu osseux à différents stades d'agrandissement et d'abstraction, ainsi qu'un système mécanique et optique se mettant en place progressivement, jusqu'à révéler à l'officier K, Joshi et au public, un numéro de série. Peter ajoute : « C'était un plan clé très complexe à mettre en place. Toute la scène a été minutieusement chorégraphiée et filmée avec de vrais écrans sur le plateau de tournage, pour que les acteurs puissent réellement jouer en fonction de séquence d'images en temps réel. »
Il y a eu en réalité une grosse planification avant même de commencer à travailler avec Cinema 4D. L'équipe de Territory a passé un certain temps à chercher et expérimenter des méthodes alternatives qui pourraient remplacer la bioluminescence des écrans LED. Ils ont essayé de combiner des lentilles optiques/des projecteurs et de la macrophotographie et de la photogrammétrie (fruit/viande) ainsi que divers techniques graphiques. Ce processus expérimental a mené au développement de certains effets vraiment intéressants et inédits, qui ont été utilisés par la suite, notamment pour le scanner du LAPD détectant les états d'esprit des officiers répliquants. Plutôt que de montrer un iris, comme dans le film original, ce nouveau test affiche une vue à travers le nerf optique, suggérant une activité neurale chez le répliquant. L'intention n'était pas d'imiter le cerveau humain ou ses neurones, mais d'arriver à un niveau d'abstraction des images offrant des qualités à la fois esthétiques et organiques. Pour la petite histoire, ce sont des raisins secs qui ont été utilisés pour réaliser ces images.
Il y a cependant eu des scènes qui ont nécessité des techniques digitales plus traditionnelles, et qui ont été créées avec Cinema 4D. Territory a utilisé des simulations dans la séquence du NAP (l'appartement du voisin), dans laquelle l'officier K scanne un petit cheval de bois qu'il a trouvé. Peter revient en détail sur la façon dont cela a été fait : « Nous avons modélisé le jouet et l'avons utilisé pour contraindre les simulations de fluides réalisées avec X-Particles. Nous avons utilisé différents modificateurs, essentiellement de la turbulence, pour contraindre les particules à réagir en fonction des contraintes artistiques de cette scène. Nous avons également utilisé des simulations de particules pour la séquence du drone « poisson pilote », ainsi que pour certains tableaux dans lesquels l'environnement extérieur devait être représenté de façon inhabituelle. Le côté naturellement organique et chaotique de ces simulations a contribué à l'esthétisme général. »
Une bonne partie du film, produit par Andrew A. Kosove, Broderick Johnson, Cynthia Sikes Yorkin ainsi que Bud Yorkin, est sombre avec une lumière au néon, créant des scènes à fort contraste. En plus de cela, il y a une atmosphère très poussiéreuse et assez lugubre. Réussir à faire en sorte que les écrans restent cohérents avec tout le reste de l'univers du film s'est révélé être un vrai challenge. Peter explique comment ils y sont arrivés : « Nous avons eu accès aux différents concept arts, ce qui nous a permis de nous faire une assez bonne idée de l'intention pour chaque séquence. Mais nous avons tout de même fait des tests caméra avec Roger Deakins, et pour lesquels il a utilisé les animations fournies par Territory pour vérifier les niveaux de lumière sur chaque plateau. Il a par exemple fallu que nous réglions légèrement les couleurs des écrans du LAPD pour mieux coller aux réglages de lumières que Roger avait mise en place. Nous avons également réalisé des tests en interne, pour nous assurer que la lumière réfléchie depuis les écrans sur les visages des personnages correspondait à la vision que Denis en avait. »
Nous avons également eu le cas avec le véhicule de l'officier K, qui comportait un certain nombre d'écrans dédiés à la navigation, la communication, le scanner et la surveillance. L'aspect de ces écrans devait refléter le statut peu enviable de K, en tant que répliquant et Blade Runner, et ils sont donc vieux et usés. Les effets de brûlures, d'images doublées, de ratés dans l'affichage, de dégradation de la couleur et autres effets de textures donnant une impression de technologie dépassée, ont tous étés réalisés dans Cinema 4D.
Le résultat final du travail de Territory se compte en térabits de données, et comprend ainsi plus d'une heure de contenus animés livrés à la production ou distribués à d'autres studios chargés des effets spéciaux pour qu'ils les intègrent à leur propre travail.
Avec un projet d'une telle ampleur et avec un tel niveau d'exigence, Peter reconnaît que c'est « la facilité d'utilisation, la rapidité, et la stabilité de Cinema 4D qui nous ont permis d'expérimenter tout en réussissant à rester dans les délais pourtant serrés. »
Duncan Evans est l'auteur de Digital Mayhem: 3D Landscapes et Digital Mayhem:
3D Machines et est l'éditeur à l'origine du magazine 3D Artist.
Toutes les images sont la propriété d'Alcon Entertainment et Territory Studio.
Site de Territory Studio :
www.territorystudio.com